Sixty-Nine et sa Racine Carrée

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Les papiers s’entassaient, à l’instar des heures, dans le bureau du Vice-Capitaine de la Troisième Division. Ce dernier semblait se murer dans le travail, et même dans tous les sens du terme… on ne le voyait même plus derrière cet amas incompréhensible de dossiers. Comment faisait-il pour travailler autant, si vite, et avec autant d’efficacité ? A croire que la paperasserie était faite pour lui ! Il était bureaucrate, troisième ou quatrième dan déjà ! Et l’absence d’un Capitaine n’arrangeait rien. Bon, c’était pas pour ce qu’il aidait en temps normal, l’ancien capitaine…

En songeant à lui, Kira garda son pinceau suspendu en l’air. Malgré tout ce qu’il avait enduré, malgré tout le mal qu’il lui avait fait, Kira-fukutaichô ne pouvait s’empêcher de regretter le départ d’Ichimaru Gin. Cela lui pesait d’autant plus qu’il ne pouvait pas vraiment en parler autour de lui : qui aurait continué à faire confiance à un Vice-Capitaine qui dit vouloir revoir celui que l’on considère comme un des pires traîtres du Gotei 13 ? Parce que, dans le cas d’Aizen, on a quand même l’excuse de se dire ‘il a bien caché son jeu, le salaud !’… mais pour Gin ? Avec son sourire malsain, son ironie, ses plaisanteries qui ne faisaient rire que lui, Ichimaru-taichô n’avait jamais caché le côté pervers et sournois de sa personnalité. Et c’était précisément ça que Kira regrettait ? Il était taré ou quoi !? Non, juste masochiste sur les bords…

En réalité, Kira haïssait Ichimaru. Il n’avait fait que souffrir quand il était là, et il continuait de souffrir alors qu’il n’était plus là. Il faut dire que la façon qu’il a eu de partir, et ses raisons, avaient fait l’effet d’un électrochoc à notre petit cœur tout mou qu’était Kira Izuru. Le fait qu’il ne soit pas le seul Vice-Capitaine ‘abandonné’ pourrait l’apaiser un peu, mais quand il pense à Hinamori-kun, Kira ne peut s’empêcher de se dire qu’au moins, Gin ne l’avait pas blessé. Il n’avait même pas essayé de le tuer… il était juste parti, en souriant, n’ayant de mot que pour Matsumoto-san. Même s’il savait que ça ne l’avancerait à rien, que ce n’était juste de sa part, et que ce qui s’était passé était sûrement entièrement la faute d’Aizen, Kira ne pouvait s’empêcher d’avoir une pointe de jalousie envers Matsumoto.

Le seul qui pouvait plus ou moins comprendre Kira était Hisagi Shuuhei, Vice-Capitaine de la Neuvième Division. Mais avait-il été aussi proche de Tôsen que Kira l’avait été d’Ichimaru ? Le Sanbantai Fukutaichô en doutait fortement. Le choc n’avait peut-être pas été si rude. Ou alors, Hisagi-san le cachait extrêmement bien. De toute façon, l’homme au tatouage pervers avait toujours été d’une nature plus dure et moins sentimentale que Kira. Et franchement, pour un Vice-Capitaine qui avait été lâché du jour au lendemain par son Capitaine sans aucune explication, Hisagi s’en était plutôt bien tiré. Kira ne l’imaginait pas pleurer la nuit en se demandant pourquoi il n’avait pas su convaincre son ancien Capitaine de ne pas partir, pourquoi il avait été si dupe, pourquoi le vrai du faux étaient si difficiles à distinguer désormais…

Ce n’était qu’une pause dans son travail, mais en buvant son thé – au jasmin – Kira Izuru sentait la solitude l’envelopper et les larmes monter. Son Capitaine... et même son zanpakutô l'avaient laissé tomber. Jamais il n'aurait cru un jour penser ça, mais Wabisuke lui manquait, et de ne pas l'entendre le rappeler à l'ordre ou le rabrouer sèchement lui faisait un pincement au coeur. Kira voulait que son zanpakutô lui revienne, moins pour des raisons pratiques en combat que pour avoir seulement un peu de compagnie parfois.

Il résista à la crise de larmes qui venait, de peur de voir débarquer l’un de ses co-divisionnaires. Il ne voulait pas les inquiéter, et n’avait pas besoin non plus de leur pitié. Il aurait bien voulu s’expliquer, mais aucun d’entre eux n’auraient vraiment compris. Pour eux, Ichimaru-ex-taichô avait toujours été un salopard, un renard sournois, prêt à toutes les bassesses. Le regard de Kira sur Gin était différent, peut-être parce qu’il en savait plus que les autres à son sujet. Le blondinet ne voulait pas qu’on le plaigne ou qu’on mette sur le dos de Gin tous les malheurs du monde. Or, ses co-divisionnaires n’étaient capables que de ça. Ils l’auraient traité au mieux de fou, ou de masochiste, au pire, de traître espion resté en arrière, si Kira Izuru vidait son sac.

Il posa sa tasse vide sur une table basse, et repartit à son bureau, et enchaîna quatre heures de classifications et de vérifications de dossiers, qui prendront tous la direction des archives quand son cinquième siège viendra les chercher. Las, Kira tourna son regard vers la fenêtre et vit que le soleil était en train de se coucher, parant le ciel de couleurs sanguines. Il était temps de finir son service. Il laissa donc une note à l’intention de son Goseki, et quitta son bureau.

Il ne savait pas trop où aller ni quoi faire, alors, par réflexe, il passa chez lui, une maison un peu isolée dans le Seireitei, et en profita pour se doucher et se changer. Peut-être que finalement, il avait une idée de où il pourrait squatter ce soir… Un peu plus enthousiaste, Kira sorti de chez lui, et passa dans une rue marchande pour faire quelques courses, histoire de ne pas arriver les mains vides. Puis il prit la direction… des quartiers généraux de la Neuvième.

Kira donna quelques coups secs sur la porte du bureau du Vice-Capitaine, se demandant s’il était encore là à cette heure. Peut-être que non, finalement… ? C’est vrai qu’il passait à l’improviste et qu’Hisagi-fukutaichô avait déjà quelque chose de prévu ce soir… peut-être même qu’il n’avait pas envie d’avoir de visites ? Peut-être que la présence de Kira-kun le dérangeait ? Peut-être qu’en fait, Hisagi le détestait… ?

* Izuru, tu penses trop…*

« Hisagi-san !? Tu es là ?!? »

Essaya-t-il, tout en ponctuant sa phrase de nouveaux coups sur la porte. Ses sacs commençaient un peu à peser là, en fait…

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Ces papiers, toujours ces papiers ... S'en était trop, il y en avait trop, trop de lecture, écriture, visionnage, revisionnage, tri, empilage, classification, ordonnance, et encore du tri, de la lecture, de la classification, de l'ordonnance, de l'empilage, et c'était encore parti pour un tour ... Ça n'en finissait pas. Le bureau semblait n'être fait uniquement que pour cela. Pourtant, en oubliant tous ces dossiers et ces piles de feuilles recouvrant chaque mobilier dont la hauteur n'atteignait pas le plafond, ces taches d'encre sur le bureau ... Oh non ! Des taches sur le bureau ... Il n'empêche qu'il aurait pu être agréable. Hisagi s'affalait sur sa chaise, bras croisés, observant d'un œil critique et las la scène qui lui arrivait de voir de temps en temps. Oui celle là même, celle qui a le don de le dénuer de toute envie de bouger, qui lui inspire le dégoût de toute action et qui l'incite fortement à dormir. Vous voyez ces piles ? "Va dormir Hisagi Shuuhei, ta place n'est pas en notre compagnie, non, le sommeil est là, les rêves t'attendent ...". Il secoua vivement la tête, comme pour se rappeler qu'il était toujours devant ce travail impressionnant auquel il devait faire face. Ce n'était point le moment de se laisser aller, non, et puis d'abord, Hisagi Shuuhei ne se laisse pratiquement jamais aller. Après tout, il avait survécu à pire, et il était clair que ce n'était pas insurmontable. Il l'avait déjà fais ... Mais, peut-être était-ce l'habitude, la fatigue, une sorte de routine ? Toujours est-il que l'envie n'y était pas. Qui pourrait prendre du plaisir à s'occuper d'autant de paperasses ? ... En fait, oubliez. Oui allez, oubliez tout, oublions cela.

Hisagi se leva lentement, posant ses mains sur les bords du bureau (seuls bords qui n'étaient pas encore recouverts) afin d'y prendre appui, et bientôt finit debout, s'étira un instant, et profita d'avoir les bras derrière la tête pour se gratter les cheveux, le tout en prenant une grande inspiration. Rien de tel qu'une pause pour se remettre d'aplomb, c'était effectivement tout ce qu'il lui manquait. Après cela, il serait probablement plus apte à continuer, et à finir de s'occuper de tout une bonne fois pour toute. Il était à noter qu'il n'avait pas rien fais non plus depuis le début de la journée, il s'y était attelé tôt, et avait pu se charger d'une bonne partie, non négligeable, de telles et telles affaires. Il était assez fier de lui, et il le pouvait. Balayant la salle avec ses petits yeux et la même expression qu'à son habitude sur le visage, il se déplaça jusqu'à la fenêtre. De là, il observa un moment les environs. Tout semblait calme, vu d'ici. Un beau ciel surplombait la Soul Society, faisant grâce au paysage des doux rayons du soleil pleins de chaleur. A en juger par sa position, l'après-midi était entamée depuis un bon moment déjà. Le ciel était légèrement plus sombre que quelques heures auparavant, certes, mais le jour ne se couchait pas encore. Des nuages parsemaient les horizons, mais néanmoins peu nombreux. Shuuhei souffla du nez un long moment, observant toujours ainsi l'extérieur. L'air frais et naturel, il ne pouvait y avoir mieux contre les mal de crânes et surcharges, et plus motivant pour finir la journée. Et quelle journée ... D'autant plus qu'elle se finirait très tard, et en partie en très bonne compagnie ... Durant un moment sans doute.

Ayant pris une stature des plus droites, Hisagi Shuuhei, digne lieutenant de la 9e division, se dirigea d'un pas décidé vers une des portes de la pièce, ayant la ferme intention de se retrouver à l'extérieur de celle-ci. Et même, à l'extérieur de toute autre pièce de loin ou de près de perpendiculaire ou de parallèle enfin dans tous les cas, dehors, purement et simplement dehors. Il put bientôt, après quelques pas lourds, profiter du vent rafraichissant, aussi bien que de l'atmosphère d'une chaleur pesante de la Soul Society. Il se dirigea vers un coin d'herbe, s'assit calmement, humant les odeurs que le léger zéphyr faisait parvenir jusqu'à lui, fermant les yeux, et touchant de ses mains la terre, nourrisse de la flore, dont quelques particules s'amusaient à glisser entre ses doigts. La lumière du jour caressant son visage, et ses bras découverts, il étendit les jambes et fit frémir ses orteils. Hisagi ne tarda pas à s'allonger, ayant mit une tige de fleur dans sa bouche, coincée entre ses lèvres inférieures et supérieures, tandis ce qu'il avait posé sa tête sur ses bras, qu'il avait croisé en arrière pour une surélévation de la partie haute du corps. Les paupières presque fermées devant le soleil aveuglant, il ne se lassait pas d'observer le ciel, qu'il s'attarde sur les tons multiples et dégradés de bleu, ou encore les nuages gris ou blancs, ou même les quelques volatiles nageant dans ces mers nébuleuses et ces océans d'air. Alors qu'il n'avait prévu que de passer un petit moment à l'extérieur à profiter du jour qui commençait à voir son déclin, le sommeil s'empara alors rapidement de Shuuhei ...

Réveil dur, et étonnant, ne s'étant même pas aperçut que la fatigue le saisissait. Le lieutenant de la neuvième division se leva au plus vite, mais sans paraître pressé pour autant. Il se frotta quelque peu les vêtements, afin de décoller les brins d'herbe qui s'étaient réfugiés pardessus, retira la brindille qu'il avait positionné près de sa bouche, et, sans perdre plus de temps qu'il n'en avait déjà perdu, repartit dans son bureau. C'était bien assez de repos pour la journée. En effet, cela n'aurait pas pu lui faire de mal, en vue du fait que la nuit qu'il s'apprêtait à passer serait sûrement assez courte. Cela dit, les papiers étaient toujours là. En quelques heures, avant que le soleil ne soit totalement couché, il s'occupa de tout. Ayant bien rechargé ses batteries, il était maintenant prêt à s'y attaquer au plus vite. Après quelques heures de travail intense, il ne restait alors plus que deux petites piles sur le bureau du lieutenant. Penché au dessus de celui-ci, observant sérieusement un dossier, il fut arrêter par quelques bruits. Quelqu'un attendait qu'il l'ouvre. Derrière la porte, les coups secs se faisaient de plus en plus rapides. Il tourna alors son regard vers celle-ci. Une voix, qu'il connaissait bien, se fit bientôt entendre :



« Hisagi-san !? Tu es là ?!? »


D'autres coups contre la porte, encore une fois. Il se pencha à nouveau un dixième de seconde sur le dossier, avant de se reconcentrer sur la porte, attendant que son ami arrive, le sortant pour la deuxième fois de la journée de ses papiers, mais interruption contre laquelle elle n'avait rien pour autant, au contraire.

« Oui. »

Kira Izuru ouvrit doucement la porte du bureau du Vice-Capitaine de la Neuvième, et fut surpris de le voir aux prises avec une montagne de dossiers. Même si en fait, la plupart avait déjà été traités. Il est vrai qu’on a plus l’habitude de voir Hisagi-san sur le terrain que dans un bureau, il était plus doué pour débiter du hollow que pour abattre des monts de paperasse… contrairement à un certain blondinet que l’on ne citera pas. Evidemment, être doué ne veut pas forcément dire apprécier, et la journée de classification d’archives avait été réellement éprouvante pour Kira-fukutaichô, qui avait hâte de profiter d’une petite soirée de détente.

Or, ç’aurait été vraiment trop égoïste de ne pas inviter Hisagi-san à le rejoindre… Et qui sait, si Renji-kun était libre, ce serait plutôt sympa aussi. Et bien sûr, Matsumoto-san ! Leur plus fidèle compagne de beuverie ! Car il ne fallait pas être naïf non plus : le saké faisait partie intégrante de la façon dont Kira se détendait. Il n’était pas alcoolique comme un certain Capitaine qu’on ne citera pas, mais s’il continuait, il finirait sûrement par l’être…

Bref, le Vice-Capitaine de la Troisième entra dans le bureau, exhibant fièrement ses petites courses, et adressant un sourire amical à son homologue de la Neuvième Division.

« Encore en train de bosser ? Si tu veux, j’ai pris de quoi manger et boire, histoire de décrocher un peu… »

Kira marqua une pause, et regarda aux alentours : les bureaux du Gotei 13 étaient décidément tous aussi sinistres les uns que les autres. Encore une fois, le blond était surpris de voir que son ami était toujours ici à cette heure avancée, en train de travailler.

« Alors ta journée ? Pas trop fatigante j’espère… ? »

Il y avait des risques quand même, sauf si Hisagi-san avait fait des pauses. Evidemment, Kira-kun ignorait que son collègue s’était tapé une sieste monstrueuse en fin d’après-midi, contrairement à lui qui avait bossé non-stop ou presque toute la journée. Ca changeait quand même la donne niveau fatigue… Et la pause expliquait aussi pour quoi Hisagi n’en avait pas tout à fait terminé quand Kira arriva pour lui proposer de manger avec lui.

Le blondinet s’avança un peu plus dans la pièce, et déposa les victuailles sur une table basse, disposée près d’un canapé. Le genre de trucs qu’on pensait inutile et qui meublait quasiment tous les bureaux des officiers du Gotei 13. En réalité, c’était plutôt pratique quand il s’agissait de jouer aux cartes, de boire ou de manger, ou même… autre chose. Enfin ça, Kira n’avait pas testé personnellement, mais il y avait des rumeurs plus ou moins fondées qui circulaient à propos de Ise-fukutaichô… huhu.

Bref, Kira s’assit dans le canapé sans trop attendre de réaction de la part d’Hisagi, qui commençait à avoir sérieusement l’habitude de voir débarquer le blond en manque de bibine. Et en parlant de ça, ce dernier sortit les bouteilles, les montrant fièrement au brun :

« C’est ton saké préféré ! Ah, dommage que j’ai pas croisé Matsumoto-san, j’avais pris une bouteille pour elle aussi au cas où… Bah ! On aura qu’à la boire aussi ! Une bouteille de plus ou de moins… »

C’est vrai qu’à leur niveau, ce n’était plus grand-chose… Ah, le Gotei 13, quelle déchéance ! Mais bon, les jeunes Vice-Capitaines buvaient déjà avant que leurs Capitaines ne les abandonne pour aller s’acoquiner avec des Arrancars au Hueco Mundo, alors ce genre de trahison n’arrangeait rien. Peu importe à quel point ils le souhaitaient, il n’y avait aucun retour en arrière possible*… Kira-kun soupira en y pensant, et s’affaissa dans le canapé, le regard voilé de tristesse.

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La porte s'ouvrit lentement, et bientôt il put voir quelques doigts, puis un bras dépassé, avant que Kira Izuru finisse pour lui être totalement visible et reconnaissable. Il paraissait très encombré par les poches qu'il trimbalait surement depuis un moment. Cela expliquait certainement la précipitation des coups de plus en plus rapides contre la porte du bureau du lieutenant de la neuvième division. Le regard de Kira parcourut la pièce. Certes celle-ci n'avait rien de bien particulier, ni de très accueillant. Les entassements et piles de dossiers ne donnaient pas non plus une ambiance très chaleureuse à l'endroit déjà un peu froid. L'étonnement des lieutenants semblait être réciproque. Il est vrai qu'il n'était pas vraiment dans les habitudes de Shuuhei de remplir des feuilles, ni dans ses passes-temps favoris. Et Hisagi se voyait aussi surpris de s'apercevoir que son ami avait apparemment apporté des victuailles qui pourraient être fort appréciées.

Hisagi Shuuhei se leva donc pour venir à la rencontre du lieutenant de la troisième division. Posant ses avant-bras sur le bureau qui avait été bien dégagé des tonnes de papiers qui le recouvraient il y avait maintenant quelques heures, il y prit ainsi appui, et se dirigea lentement vers la porte, en direction de la deuxième personne présente en ces lieux à l'instant même. Il replaça parfaitement une pile de dossiers sur le passage, en la poussant délicatement à l'aide de deux de ses doigts, puis fixa Izuru Kira. Le Vice-Capitaine à la chevelure blonde lui adressa un sourire en levant quelque peu les courses qu'il venait surement de faire. Hisagi lui rendit ce sourire amical en s'approchant toujours un peu plus, à pas lents.

« Encore en train de bosser ? Si tu veux, j’ai pris de quoi manger et boire, histoire de décrocher un peu… »

Le lieutenant de la neuvième division lui sourit de plus belle, sans même le remarquer. Izuru parût un moment s'attarder sur le bureau qui manquait d'ouvertures, cela le rendant plutôt sombre face aux éclats du soleil frappant les quelques fenêtres, petites ouvertures vers l'extérieur.

« Alors ta journée ? Pas trop fatigante j’espère… ? »

Hisagi Shuuhei porta maladroitement sa main gauche sur sa tête et se frotta le cuir chevelu un moment, se cambrant un peu histoire de s'étirer. Il ferma les yeux quelques secondes avant de refixer Kira, toujours un léger sourire au lèvres. Voyons, hormis cet entassement conséquent de dossiers qui lui paraissait suffisamment révélateur de toute l'horreur de la journée qu'il avait pu passer ... Non, il était vrai qu'il ne fallait pas oublier que le lieutenant avait pris la grande liberté de prendre un pause qui n'était pas moindre en début d'après-midi. Hisagi laissa retomber lourdement son bras. Cette pause lui avait bien permis de reprendre des forces et de s'attaquer avec encore plus d'efficacité au reste pour finir tout cela avant la fin de la journée, du moins c'est ce qu'il avait espéré, et on peut dire que cela lui avait réussi.

« Ne te méprends-pas, en réalité il me fallait rattraper tout le travail que je devais mettre à jour. Aussi, ma journée n'a pas été trop pénible, au fond ... Il faut dire que je me suis permis une petite pause. »

Le Vice-capitaine de la troisième division se dirigea vers une table basse, sur laquelle il déposa les poches de victuailles qui semblaient bien peser leur poids ... L'autre lieutenant, de la neuvième, suivait du regard chacun de ses mouvements, ainsi que ceux des paquets dont il se chargeait. Kira s'assit non loin, sur ce qui semblait être un canapé, mais qui sans doute n'avait pas servit depuis un moment, sauf pour héberger bon nombre de feuilles volantes s'y étant tranquillement déposées. Hisagi se posta près de lui, entre le canapé, et la table basse, situé contre le côté gauche du long fauteuil. Ses yeux fixèrent un moment les paquets, tandis ce qu'il se demandait ce qu'ils pouvaient contenir. Il essayait de discerner ce qui se cachait à l'intérieur, aussi bien par la vue et la forme qu'ils prenaient, que par l'odorat et les parfums qui s'en dégageaient. Le Vice-Capitaine de la neuvième division se reconcentra sur son ami le blond, tandis qu'il s'adressa alors à lui en ces mots :

« C'est bien aimable à toi d'en avoir profiter pour apporter tout cela. »

Izuru Kira n'attendit pas encore longtemps pour sortir quelques bouteilles des poches posées sur la table basse. A peine, eut-il besoin de faire dépasser le goulot du sac, le lieutenant de la neuvième les avait déjà reconnues. Oh non, tentation, odeur enivrante ... Et, le Vice-Capitaine de la troisième division, les brandissant fièrement devant Hisagi, s'exclama :

« C’est ton saké préféré ! Ah, dommage que j’ai pas croisé Matsumoto-san, j’avais pris une bouteille pour elle aussi au cas où… Bah ! On aura qu’à la boire aussi ! Une bouteille de plus ou de moins… »

Shuuhei ne put s'empêcher de laisser un petit sourire à son compagnon. Celui-ci, après avoir montrer tant d'enthousiasme, sembla un moment pensif, puis, finit par soupirer en s'affaissant sur le canapé. Le sourire de Shuuhei Hisagi ne dura pas plus longtemps. Depuis le temps qu'il le connaissait, il lui était facile de voir que cela n'allait pas bien. Enfin, avec Kira, ce n'était pas la première fois après tout ... Le regard perçant, il dévisagea son ami, les sourcils légèrement froncés, et l'examina, laissant un moment s'écouler avant de prendre la parôle. Sans doutes était-ce encore cette histoire de traître qui le chagrinait. En effet, "l'abandon" d'Ichimaru Gin de la troisième division pour partir à la conquête du Hueco Mundo, contre la Soul Society, l'avait extrêmement marqué, blessé, et attristé. Que sais-je encore. Hisagi ne pourrait surement jamais pardonné le mal que tous ces traitres ont fais, en particulier Gin, ayant été le plus proche de ses amis les plus chers.

« Il me semble que je devrais m'en passer, je suis chargé d'une mission pour ce soir, j'y verrais certainement Matsumoto d'ailleurs. Mais, rien ne t'empêche de boire pour autant. »

Kira ne se doutait bien évidemment pas qu’Hisagi était du genre à aller faire la sieste en plein milieu d’une montagne de dossiers qui l’attendaient : pour lui, le Vice-Capitaine de la Neuvième venait de passer une sacrée journée de boulot, puisqu’il n’avait pas encore tout à fait fini à cette heure tardive. N’ayant pas l’habitude de prendre des pauses aussi énormes, Kira Izuru partait du principe que tout le monde faisait comme lui. Surtout quelqu’un d’aussi sérieux et rigoureux qu’Hisagi-san… Il avait peut-être tort, en fait.

Alors, quand Hisagi Shuuhei parla de sa ‘petite pause’, Kira repensa à la sienne, très courte, durant juste le temps de faire du thé. Le blondinet sourit, et haussa les épaules de façon un peu amusée :

« C’est dur de tenir sans pause, de toute façon ! »

Les dossiers avaient tendance à s’amonceler comme de la poussière, envahissant leurs bureaux, apparaissant comme de véritables montagnes sorties de terre. Depuis le temps, Kira-kun s’y était habitué, mais au début, la simple vision de ces colonnes de papier l’avait découragé. Maintenant, il les abattait avec une vitesse impressionnante – et une rigueur exemplaire, bien sûr – mais cela restait épuisant. Comment ne pas faire de pause dans ces conditions ?

Ressentant soudainement la fatigue de son corps l’assaillir, Kira Izuru alla s’affaler dans le canapé du bureau de son homologue de la Neuvième, laissant un temps sa tristesse passer sur son visage. Il y a des choses que l’on n’oublie pas, et Izuru n’était pas non plus du genre à positiver facilement. Un savant mélange, qui faisait de lui le Calimero du Gotei 13, toujours prompt à ressasser le passé dans ce qu’il a de meilleur, et de voir le présent et le futur embrumés de sombres nuages. C’était dans sa nature, mais la trahison d’Ichimaru n’avait rien arrangé. Décidément, Kira n’arrivait pas à tourner la page.

Ainsi, quand Hisagi déclina l’invitation en parlant d’une mission avec Matsumoto, la déception sur le visage de Kira Izuru s’afficha en lettres fluorescentes. A croire que le monde était contre lui ! Il baissa la tête, le regard triste, et les bras ballants. Même son meilleur ami était plus occupé que lui, et n’avait pas le temps de se changer les idées avec lui…

« Ah… »

Boire tout seul, c’était vraiment trop nul. Décidément, rien n’allait comme le blond l’aurait voulu en ce moment ! Ce n’était pas de la faute d’Hisagi, bien sûr, mais le fait qu’il refuse de s’amuser avec Kira – il avait raison, s’il avait une mission ! – plongeait le blondinet dans un nouveau désespoir. Ce dernier se leva, et fit un pas en direction de la sortie : il ne se sentait pas de rester ici, si ce n’était que pour être une gêne pour son collègue.

« Si tu as encore du travail… je pense que je vais rentrer alors. Je ne voudrais pas te déranger… Une autre fois, peut-être… ? »

Si ‘autre fois’ il y avait évidemment. Parti comme c’était parti, Kira allait rentrer chez lui déprimer au calme, et sûrement se lire un ou deux de ces drames nô qu’il appréciait tant, le tout en buvant du thé. Aussi avide d’ivresse qu’il était, Izuru n’en était pas encore au stade où il buvait seul. Et pourtant, c’était pas l’envie qui manquait…