Intra muros

Contrairement à ce qu'il s'était imaginé, Muramasa ne rejoignit pas Las Noches rapidement : comme beaucoup d'autres avant lui, la taille du palais l'avait trompé sur sa distance réelle. Ce n'est donc qu'au bout de plusieurs heures de marche qu'il atteignit finalement le mur d'enceinte. Trouver une entrée usa encore une bonne heure de patience ; ç'aurait sans doute était plus simple de défoncer le mur et de passer par cette ouverture, mais comme on faisait mieux en matière de discrétion, Muramasa préféra opter pour une solution certes éprouvante -il avait l'impression que la moitié du désert s'était faufilée dans ses bottines- mais qui lui garantissait un semblant d'effet de surprise. Une heure plus tard, donc, le zanpakutô grimpa une volée de marches et passa par une gigantesque double porte, dont il n'eut qu'à pousser l'un des battants pour entrer. Pour laisser ainsi ouvert, le maître des lieux devait être très sûr de lui, ou alors pas très doué en matière de défense.

Une fois à l'intérieur, Muramasa se trouva face à un nouveau problème : lequel, entre les cinq couloirs qui se présentaient à lui, devait-il emprunter? Le zanpakutô resta immobile un instant, à fixer les différents embranchements en fronçant les sourcils. Quand il avait élaboré son plan d'intrusion de Las Noches, il savait qu'il risquait d'être confronté à ce genre de décision difficile, mais il n'avait pas envisagé qu'une erreur de direction pouvait lui coûter quelques bonnes journées de marche. Fermant les yeux, il se concentra sur les différentes émissions d'énergie spirituelle qui lui parvenaient. Il était plutôt doué dans ce domaine, malheureusement ça ne l'aidait pas beaucoup : les arrancar qui se pressaient dans cet endroit étouffaient les rares shinigami qu'ils côtoyaient. Mais Muramasa était patient, et il ne rouvrit les yeux qu'une fois qu'il eut perçu le reiatsu qui lui servirait de fil conducteur : serein, et en même temps implacable, comme une grande puissance au repos. Il n'eut cette impression qu'un court, très court instant, mais cela lui suffit pour choisir l'un des couloirs et maintenir un cap à travers le palais.

Encore une fois, cela lui prit du temps. Muramasa était patient, et maintenant qu'il était assez sûr du chemin qu'il suivait, errer une heure ou deux ne l'inquiétait pas. Mentalement, il dressait un plan des lieux qu'il traversait, afin de ne pas se perdre au moment de repartir. Les occupants de Las Noches connaissaient mieux les différents coins et recoins de leur antre, et mieux valait ne pas se laisser prendre au piège pour une légère erreur de navigation.
Le zanpakutô taisait sa présence autant qu'il lui était possible de le faire. Il ne tenait pas à se faire repérer ; pas seulement par mesure de sécurité, mais parce qu'il lui était plus difficile d'utiliser sa technique de "libération des âmes" quand on l'attaquait -il était lui-même puissant et ne doutait pas de ses capacités, mais contre plusieurs adversaires de la même valeur que lui, les choses pouvaient très bien se compliquer. Il traversait donc les couloirs sans fin, et c'était comme s'il n'était pas là, les arrancar qu'il repérait autour de lui, de l'autre côté d'un mur par exemple, ne remarquaient absolument rien. Muramasa en profitait, bien sûr, pour perturber leurs âmes -oh, un rien, juste de quoi semer un léger trouble, qui se transformerait sans mal en rébellion.
C'est ainsi qu'il atteignit la salle du trône.

Il n'y entra pas tout de suite. Des shinigami s'y trouvaient... non, le maître des lieux s'y trouvait en personne, et face à un tel homme, Muramasa savait qu'il allait devoir la jouer finement. Se présenter à lui était trop risqué, il le pressentait. Il devrait s'attaquer à lui à distance, au moins pour commencer. Le zanpakutô se coula contre le mur, dans l'ombre de deux colonnes qui le soustrayaient à la vue d'éventuels visiteurs ; là, il ferma de nouveau les yeux et se concentra, sondant le monde qui l'entourait pour toucher celui qu'il était venu chercher.
Il lui fallait le zanpakutô de ce Sôsuke Aizen. Pas seulement pour s'assurer de la coopération d'un élément au pouvoir redoutable, il n'avait pas besoin de ça ; mais parce qu'une fois qu'il aurait libéré Kôga, rien ne devrait se heurter au projet de ce dernier. Le maître des arrancar ne serait jamais leur allié. Muramasa devait donc au préalable nettoyer la voie.

Il ne tarda pas à déceler le monde intérieur du shinigami. À présent, il ne lui restait plus qu'à s'y glisser...
Dans le couloir, son corps s'évapora.

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