Le soleil commençait tout juste à arpenter le ciel, loin à l'horizon. La lumière qu'il diffusait repoussait peu à peu l'obscurité et le silence de la nuit. Le ciel indigo retrouvait sa couleur bleue qui le caractérisait de jour. La journée s'annonçait très belle. Les animaux de la forêt sortaient eux aussi de l'immobilité de la nuit, et commençaient à s'agiter, à pointer leur museaux hors de leur tanières. La vie reprenait son activité.
Parmi les hommes, nombreux étaient encore couchés, et ne se lèveraient pas avant plusieurs heures encore. Les seuls éveillés étaient les Shinigami de garde ce matin là et quelques marginaux qui avaient des tâches propres à régler. Parmi eux, un jeune homme, blond, n'avait pas dormi de la nuit. Mais cela ne le gênait nullement, son corps ne ressentant ni la douleur ni la fatigue. Il était continuellement drogué à la morphine.
Ayant reçu hier dans la journée une convocation de son capitaine, il avait été contraint d'y répondre.
Une mission.
Simple.
Ramener des Tojûs.
Mort. Ou Vifs.
Morts de préférence. Voire en morceaux.
C'était ce dernier point qui avait forcé Faust à accepter de remplir cette mission. Lui qui d'habitude était d'un détachement sans fin, qui ne se préoccupait de rien et était un étranger au sein même de sa Division, il avait trouvé quelque chose susceptible de l'intéresser.
Du sang.
Il avait quitté ses quartiers dans la soirée, et avait pris la direction de la porte Ouest en marchant tranquillement. Rien dans l'ordre de mission n'indiquait qu'il devait se presser, seul un résultat était attendu. Et il y parviendrait. Marchant dans le dédale des rues de la Soul Society, il était forcé d'admirer l'étendue de cette organisation destinée à repousser le mal. Des hollows, des arrancars, des Menos, des traîtres avides de pouvoir... Et pourtant, ils devaient tous à présent se battre contre leurs propres forces, leurs Zanpakutoh. Quelle ironie.
Pourtant, Faust n'était pas intéressé par un tel débat philosophique, il se contentait juste de poursuivre son chemin, sans abandonner, fidèle à la promesse qu'il avait faite à celle qu'il aimait.
Elisa.
Un nom.
Sa femme.
Sa vie.
Brisée.
Il ne pouvait s'empêcher de se remémorer le passé, aussi douloureux soit-il. Ce bonheur sans fin qu'il avait ressenti à ses côtés, jusqu'à ce qu'elle lui soit arrachée par la mort. Brutale.
Caressant le pommeau de sa lame avec une tendresse réelle, il sourit doucement. Aujourd'hui serait un jour faste, sa lame avait faim de sang, il pouvait la sentir briller d'excitation dans son fourreau d'ébène. Et il n'était pas disposé à laisser la vie sauve à quiconque.
Après avoir marché d'un pas tranquille toute la nuit, il était arrivé au village Ouest du Rukongai.
Des maisons, non, des cabanes en bois se dressaient jusqu'à perte de vue, séparées par d'innombrables ruelles de toutes les tailles. Contrairement au quartiers de la Soul, ici l'agitation régnait sans conteste. Ne menant pas la vie paisible dans l'intérieur des murs, les habitants du Rukongai ne devaient leur survie qu'à leur propre habileté et leur savoir faire. Un marché s'étendait dans ce qui semblait être la rue principale.
Beaucoup de gens.
Un bon départ pour des recherches.
Sans un mot, Faust s'engouffra dans la foule, se mêlant à la vie fourmillante.
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De tous côtés, des marchands vendaient de tout: Vêtements, nourriture, babioles, l'on pouvait surement acheter ce qu'on voulait ici, à condition de bien chercher. Sans être riche, ce quartier n'était pas non plus le plus pauvre du Rukongai, et l'on pouvait se permettre de vivre sans voler ou tuer pour survivre en général.
En général.
Il y avait des exceptions.
Jetant un coup d'œil distrait dans une ruelle sombre, un peu à l'écart des étalages, se trouvait un jeune homme. Non. Un enfant. Âgé de tout au plus huit ans, il était entouré de trois hommes encapuchonnés qui avait un air menaçant. Étendu sur le sol, une tâche sombre coulait de sa tête.
Aussitôt, l'esprit de Faust s'envola.
Sa femme. Elisa. Étendue sur le sol, dormant, une tâche sombre s'écoulant de sa tête, aspirant sa vie sans appel. Assassinée pour de l'argent. Il avait tout essayé pour la sauver, mais elle ne s'était plus jamais réveillée.
Revenant au présent, il vit l'enfant se relever difficilement, du sang coulant de sa lèvre fendue, son œil droit à demi fermé, entouré d'une auréole bleuté. Effrayé, il s'était collé contre le mur, encerclé par les trois silhouettes qui le dominaient de plus d'un mètre. Un enfant effrayé, sans aucun moyen de se défendre. Un enfant fragile, qu'il aurait pu avoir avec sa femme, qui aurait pu être son fils.
Aurait pu.
Les yeux de Faust n'étaient plus que braises.
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La silhouette située à la droite du garçon leva sa manche droite en un geste menaçant. Ayant vu son geste, le garçon se recroquevilla sur lui-même en fermant les yeux, en attente du coup qui lui arracherait un nouveau cri de souffrance. Ou la vie. Il n'avait rien fait de mal. Au petit matin, il s'était rendu au marché pour acheter un morceau de pain, et empruntant la ruelle sombre qu'il savait être un raccourci, il allait rejoindre sa petite sœur et partager son achat.
Et ils avaient surgis. Comme de nulle part. Menaçants. Sans un mot, le plus gros l'avait frappé au coin de l'œil, et le deuxième l'avait giflé, lui fendant la lèvre et le jetant au sol. Souffrant, il s'était relevé et avait demandé pitié, leur avait proposé de leur donner son pain, mais aucun d'eux n'avait répondu. Ils l'avaient encerclé, le poussant dos au mur. Et maintenant, il allait recevoir un nouveau coup, peu être le dernier. Il ne reverrait jamais sa sœur.
Le coup n'arriva jamais.
La silhouette qui avait levé le bras et s'apprêtait à frapper, un poignard courbe dans sa main, regardait maintenant fixement la lame qui dépassait de son torse. Une expression de surprise peinte sur son visage.
Puis il s'effondra sans bruit.
Derrière lui, la lame ensanglantée à la main se tenait Faust. Ses mèches de cheveux recouvrant ses yeux, on ne pouvait distinguer l'expression de son visage. Surpris tout d'abord, puis se remettant de leur surprise, les deux individes restant délaissèrent le garçon pour reporter leur attention sur le nouveau venu, qui avait éliminé l'un des leur.
"Qui es-tu? Pourquoi es-tu venu en aide à ce gamin que tu ne connais même pas? Repars et peu être alors, nous oublierons ton acte et te laisserons ta vie sauve."
Craignant que son mystérieux sauveur n'accepte la proposition de ses agresseurs, le garçon émit un gémissement étranglé. Alors que cela semblait impossible, il se recroquevilla encore davantage contre le mur.
"N'aie pas peur petit, ce ne sera pas long. Juste une chose: Ne bouge pas."
Faust avait parlé d'une voix calme. Déterminée. Les deux ennemis toujours dissimulés par leur longue robe et leur capuche comprirent à son intonation qu'il n'avait pas l'intention de partir. Le plus petit des deux reprit alors la parole:
"Tu as fait le mauvais choix, tu ne sais pas qui nous sommes. Tu vas le regretter amèrement! Nous allons en finir avec toi, et après nous nous occuperons de ce petit morveux!"
C'est alors que Faust remarqua un détail. Sur sa gauche, le corps qu'il avait transpercé quelques secondes auparavant semblait bouger. Non. Il disparaissait. Son corps se désagrégeait lentement, laissant place à une poussière lumineuse qui s'évapora dans les airs.
"Si, je sais qui vous êtes."
Pour Faust, tout était clair.
Un mot.
Tojû.
Il releva sa tête, laissant apercevoir ses yeux à ses deux ennemis. Ils brillaient d'une lueur flamboyante.
Inhumaine.
Rouge.
Sang.
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Passant à l'attaque avec une rapidité incroyable, Faust plongea en avant, sa lame décrivant un mouvement circulaire vers la gorge du Tojû le plus proche. Le Tojû, par réflexe bondit en arrière pour l'éviter. Mais sa capuche diminuait son champ de vision, il ne vit le coup que trop tard. Sa tête bascula en arrière alors qu'une gerbe de sang jaillissait de sa gorge tranchée. Mais Faust ne s'arrêta pas, il profita de l'élan de son coup pour placer son Zanpakutoh sur la trajectoire de la manche du second adversaire qui était passé à l'attaque.
Gerbe d'étincelles.
La manche de toile se déchira, laissant voir ce qu'elle dissimulait: une lame courte.
Frappant à nouveau sans la moindre hésitation de bas en haut, Faust ne fouetta que la cape sombre du Tôju. Il avait bondit pour éviter le coup, mais la cape, trop ample, avait été sectionnée en deux, révélant sa véritable apparence.
Surpassant Faust de deux têtes, il portait une sorte de cuirasse de métal sur le torse, avec un pantalon en peau, renforcé par des jambières osseuses. Le visage buriné, il avait des cheveux noirs qui lui tombaient en tresses sur le dos.
Il aurait pu passer pour quelqu'un de normal.
Mais les crocs démesurés qui dépassaient de sa bouche, et les griffes qui terminaient ses mains et ses pieds nus ne laissaient planer aucun doute quand à sa condition d'inhumain. Sa cuirasse toute entière était faites de pointes acérées à l'image de ses crocs. Une boule de pics. Non. Un guerrier armé de pics, un tueur armé de pics mortels était l'expression plus juste.
Seul sa courte lame, dans ses mains, paraissait briser cette image de grandeur écrasante.
"Réduit en bouillie, Kanazuchi."
Dans un souffle nauséabond, la lame grandit, projetant de la fumée verdâtre jusqu'à changer de forme. Un marteau. Ou une hache. Faust n'aurait su dire lequel de ses mots était le plus approprié pour définir ce qui se trouvait désormais dans les mains de son adversaire. Énorme, écrasant, le Tojû tenait dans ses mains une arme redoutable, destructrice, qui avait surement contribué à enlever de nombreuses vies par le passé. Les mots n'avaient pas leur place ici.
Un rictus carnassier barrant son épais visage, le Tojû passa à l'attaque.
Sur de lui.
Levant l'arme gigantesque comme si elle ne pesait pas plus qu'une plume, il attaqua d'un coup vertical, destiné à écraser Faust sur le sol. Mais ayant compris l'attaque, ce dernier se décala sur le côté d'un bond, la masse fracassant le sol et s'enfonçant de plusieurs centimètres. Rebondissant sur le côté, Faust se propulsa sur son adversaire pour riposter. Mais le Tojû ne comptait pas s'arrêter là. Se servant de son arme comme d'une cale, il se jeta, épaule en avant, surmontée de pics mortels sur le corps de Faust.
Les pics percèrent la chair de Faust en plusieurs points, au niveau de l'épaule et du torse. L'impact projeta Faust contre un mur voisin, qui se fissura avant de s'effondrer sur lui.
Silence.
Faust se releva des décombres, son sang ruisselant des blessures sur son torse jusqu'à teinter les débris, sous lui. Il releva les yeux et regarda le colosse comme s'il ne s'était rien passé. Ses yeux brillaient toujours de la même intensité qu'au début du combat.
Doute.
Les pointes avaient créée des perforations et l'impact devait lui avoir briser un bon nombre de côtes. Alors pourquoi bougeait-il encore? Pourquoi s'était-il relevé et ne manifestait aucun signe de douleur? Le Tojû était maintenant hésitant. Puis, il souleva la masse à nouveau et décida de repasser à l'attaque. Cette fois-ci, il ne s'en tirerait pas. Son énorme marteau se précipitant à la rencontre de Faust, ce dernier se contenta de fouiller dans une des sacoches pendant à sa ceinture sans chercher à esquiver.
Le coup le toucha au niveau du bras droit.
Une fois encore, Faust fut propulsé et traversa les airs sur une distance de plusieurs mètres avant de s'écraser sur le sol dans un bruit mat. Cette fois-ci, il ne pouvait s'en être sorti indemne. La masse l'avait percuté de plein fouet. Son bras droit ne devait plus être qu'un ancien souvenir, et ses côtes aussi, même sa cage thoracique devait avoir explosé.
Faust se releva.
Son bras droit pendait lamentablement contre son corps, tordu dans un angle écœurant. Du sang coulait de sa bouche, et des multiples blessures qu'il avait accumulé en seulement quelques secondes. Mais Faust était debout, souriant. Les yeux toujours brillants.
Douleur.
Le Tojû cria de douleur, et se tenant le bras droit, il découvrit, plantés dans sa peau, quatre scalpels brillants. Un important bouillon de sang coulait sur son bras.
"Mais quand as-tu..."
"Lorsque tu m'as frappé. Mon corps est entièrement sous morphine, continuellement. Je ne peux donc pas ressentir la douleur, ni la fatigue, ou autre réaction du corps... De plus, j'ai planté mes scalpels dans les nerfs de ton bras, ainsi que dans les veines irriguant la plupart des muscles du bras, aussi, n'espère pas y compter dessus de nouveau. Maintenant, c'est mon tour."
Se ramassant sur ses pieds, Faust effectua un shunpô pour apparaître derrière le Tojû, toujours immobile. Ce dernier, ayant suivit le mouvement du Shinigami lança son bras en arrière avec force, pour le frapper, grâce à ses protections en métal qui s'étendaient sur son bras.
Faust bloqua le coup de sa main ouverte en souriant.
"Je te l'ai dis, tu ne peux même plus déployer 10% de ta force avec un bras dans cet état. Je m'étais promis de ne laisser la vie sauve à personne, mais pour remplir ma mission, il me faut ton corps, or, si je te tue, tu disparaîtras comme tes congénères. Je vais donc devoir te laisser envie. Mais le Capitaine a bien précisé qu'il avait besoin de morceaux à étudier..."
La lame sectionna le bras droit du colosse, juste au niveau de la jointure des pièces de son armure.
Il poussa un hurlement de douleur qui résonna dans l'étroite ruelle. Se retournant, il voulut riposter avec son autre bras, mais il tomba en arrière, incapable de se tenir droit.
Léchant du sang qui avait éclaboussé son visage, Faust lui avait coupé les tendons et ligaments soutenant la jambe. Le monde du Tojû n'était que douleur, souffrance. Il tentait de ramper avec son bras valide, dans l'espoir d'échapper à ce revirement de situation. Lui qui était si sur de lui.
Un nouveau sourire.
La lame perça sa main valide, la clouant au sol.
Il hurla de nouveau.
Faust ressentait la satisfaction la plus totale, il jubilait. Ses traits avaient changés, il était devenu une véritable machine sanguinaire, ne ressentant pas la moindre pitié. Ses yeux rouges sang brillaient davantage à chaque fois que sa lame avait entaillé la chair du Tojû. Mais gardant une once de conscience, il se dit que bien que ne ressentant pas la douleur, il devait rentrer rapidement afin de se soigner, car sinon il mourrait sans s'en rendre compte, son corps ne subvenant plus au besoin vitaux. Bah, son capitaine devait bien avoir quelques os et organes humains à lui prêter, afin de remplacer ceux qui avaient été touchés durant le combat. Il lui suffisait juste de lui demander.
Avec en prime un trophée.
Il se tourna vers la silhouette allongée sur le sol, baignant dans le sang, toujours en train d'hurler à l'agonie, ses énormes crocs bien visibles n'avaient plus rien de menaçants. Il avait réussi à calmer sa folie sanguinaire. Mais ces hurlements répétés commençaient à sérieusement l'agacer...
Il se pencha.
Sortit des objets de sa sacoche.
Les cris redoublèrent, plus violents.
Après plusieurs minutes, les cris cessèrent.
Faust se releva, posa le corps et les morceaux séparés dans une charrette en bois tirée par deux chevaux qui traînait un peu plus loin, et se mit tranquillement en route pour les quartiers de la douzième division en sifflotant joyeusement. Il était recouvert de sang.
Toujours recroquevillé contre le mur, l'enfant ne pouvait pas bouger. Il hésitait même à respirer. Il était terrifié. Son corps tout entier ressentait le besoin de s'enfuir le plus loin possible, sur une autre planète, mais il ne bougea pas d'un cheveux. La peur était en lui. Encore plus que lorsque les trois individus avaient surgis pour le battre, encore plus que lorsqu'il croyait que sa vie touchait à sa fin. Son sauveur... Le diable!
Il était bien plus dangereux que les trois réunis. Et au cours du combat, l'enfant l'avait très bien compris. Il n'avait jamais eu aussi peur de toute sa jeune vie. Lorsque le jeune homme dont il ne connaissait même pas le nom partit, il se rendit compte que les... restes du gros bonhomme ne criaient plus. Sa bouche était cousue par un épais fil gris, la scellant dans un silence total. Ses yeux imploraient qu'on mette fin à sa vie. Horrifié par cet acte, le jeune garçon ne put s'empêcher de vomir lorsqu'il vit le collier de Faust.
Un collier qu'il n'avait pas en arrivant.
Un collier fait de dents.
Non.
De crocs.